Les 9 étoiles du désert (24)

Par le 3 February 2011
dans Des histoires

Que murmure le vent lorsqu'il frôle ces parois ?

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Incrédule, Madani passa la main sur la pierre plate.

Sous la lumière de la lune, la girafe gravée paraissait énorme.

Le jeune garçon n’en avait jamais observé puisqu’il vivait dans le désert mais, il avait déjà entendu les anciens parler de l’étrange “dromadaire” au pelage moucheté et au cou démesuré. On savait qu’il vivait loin d’ici, loin des dunes, là où l’herbe poussait abondamment et où il pleuvait régulièrement.

Mais alors, que faisait ce dessin ici, en plein désert ?

Madani se dit qu’il reviendrait demain, pour examiner de plus près cette gravure. Après la surprise de cette découverte et, la fatigue se faisant sentir, il décida de rejoindre le cirque où son compagnon devait commencer à s’inquiéter.

Cette fois-ci, il n’eut aucun problème à trouver le sommeil.

Le lendemain matin, il fut réveillé par son dromadaire qui s’ébrouait. Il faisait frais, un petit vent soufflait mais c’était agréable de profiter du peu d’humidité dont ils bénéficieraient de toute la journée. Après que Madani ait relevé ses pièges, ils se mirent à la recherche de l’eau.

Ils le savaient, ils l’avaient senti, il y avait un puits tout près.

C’est pour cela qu’ils avaient parcouru le désert pendant tout ce temps, précisément dans cette direction. Dans l’esprit du jeune garçon, il n’y avait aucun doute. L’eau était là et cela faisait des jours qu’il le savait.

Ils leur fallu d’ailleurs peu de temps pour trouver le trou millénaire qui servait de puits. Étroit et directement creusé dans la pierre et le sable, il était impossible de le distinguer dans le paysage car il ne disposait pas de margelle. Il fallait donc vraiment savoir où il se trouvait pour l’atteindre ou alors, utiliser ses instincts ancestraux, comme l’avait fait Madani.

Le puits semblait assez bien entretenu. Un petit tronc d’arbre sec avait été jeté en travers de l’ouverture pour servir de poulie. Combien de générations de Touaregs s’y étaient abreuvés ? Les traces d’usure striaient ses parois, là où la corde que l’on tirait, avait été frottée. Ainsi, des caravanes devaient régulièrement passer par ici, se dit le jeune garçon. Nous pourrions en attendre une et repartir avec, pensa-t-il soudain.

Pour aller où ?

Pendant que son dromadaire et lui-même se désaltéraient, Madani réfléchit à la suite de leur voyage. S’ils en joignaient une, ils allaient se diriger vers le levant ou couchant, route habituelle des caravanes de sel, depuis des siècles. Mais, son instinct lui disait de continuer dans la direction complètement opposée, coupant cette route ancestrale, connue de tous les Touaregs. Chaque année, ces-derniers allaient chercher le sel à Fachi et Bilma, tout en leur apportant le mil nourricier. Il en déduisit que certaines de ces caravanes devaient boire et camper à ce puits.

Quand il pensait à ces cités lointaines qu’il ne connaissait pas, il ne ressentait rien, aucune émotion. Cela ne l’attirait pas. Par contre, lorsque son regard se portait dans la direction où l’étoile brillait pendant la nuit, tout de suite, dans son cœur, il savait. C’était bien par là qu’il fallait aller, qu’il fallait persévérer.

Il repensa soudain à la girafe et laissant son dromadaire explorer les alentours du puits, il retourna sur ses pas et retrouva facilement la pierre gravée. L’animal paraissait moins grand que dans la nuit lunaire. Moins impressionnant. Regardant autour de lui, il s’aperçut qu’il y avait d’autres girafes qui avaient été dessinées dans la pierre.

En circulant entre les grands rochers, là où le vent soufflait plus fort, il finit par en trouver des dizaines !

Il y avait aussi quelques bœufs, un animal qui ressemblait beaucoup à l’antilope qui les avait accueillis hier et puis un autre, au très long nez, qui ne pouvait être que l’éléphant dont parlaient les anciens.

Pourquoi tous ces animaux avaient étés gravés ici, aussi loin de leurs plaines fertiles ? Peut-être que des voyageurs, les avaient dessinés de mémoire ? D’ailleurs, parmi toutes ces gravures, Madani reconnut la silhouette caractéristique d’hommes, aux traits simples, en forme de bâtonnets.

Toujours perplexe dans la chaleur qui montait malgré le vent persistant, Madani sursauta lorsque son dromadaire lui toucha le dos, de son museau. Distraitement, il caressa le cou de son compagnon, tout en continuant ses observations. L’animal le poussa à nouveau.

Madani, cette fois-ci regarda le dromadaire, étonné.

Ce-dernier, dès qu’il eut l’attention du garçon, s’éloigna pour l’attendre quelques pas plus loin. Fronçant les sourcils, l’enfant de Tidène le suivit, comprenant bien que son compagnon voulait le conduire quelque part.

Le dromadaire le guida ainsi parmi les rochers lisses polis par les vents et les collines aux sommets aplatis. Arrivés dans un repli bien dissimulé entre deux pans de rocailles, son compagnon s’arrêta. Immédiatement, le maitre des lieux surgit, antilope au corps souple, les cornes hautes et fières. Son regard alla du dromadaire à Madani qu’il fixa pendant un long moment.

Finalement, il fit demi-tour, passant à nouveau entre les deux pans de montagne. Son compagnon le regarda. Le garçon sentit bien qu’il devait faire quelque chose. Il s’avança lentement et passa lui aussi entre les deux murailles.

Derrière, protégée des vents et du soleil, une sorte de demi-grotte offrait une protection parfaite. A l’entrée, le maitre de la colline l’attendait. A ses pieds, une autre antilope était allongée avec, tout contre elle, un bébé.

Madani comprit qu’il avait affaire à toute la famille et sentit que quelque chose n’allait pas. Il remarqua que le petit essayait de bouger, de se lever, mais sans succès.

Le jeune garçon s’approcha.

La mère, oreilles dressées, le museau humant très fort l’air, ne le quittait pas des yeux. Son bébé tenta encore une fois de se redresser mais n’y parvint pas. En s’approchant encore, Madani comprit pourquoi. La patte arrière gauche de la jeune antilope faisait un angle bizarre. Elle doit être cassée, pensa-t-il.

Il s’agenouilla lentement près du petit et, doucement, approcha la main. Les parents, oreilles dressées, le surveillaient.

Il commença par caresser le pelage doux et fin du bébé. Ce-dernier devait beaucoup souffrir car sous sa main, il sentit une chaleur lourde. Il se rappela son village de Tidène et la façon dont il avait vu les adultes placer une attelle à la patte de certains animaux qu’ils élevaient.

Il se releva. Il lui fallait trouver des branchages. Heureusement, les collines aux sommets plats des environs contenaient un peu de broussaille et sans doute, quelques arbustes aux branches courtes mais solides.

Il se releva, toujours suivi du regard par les parents du bébé. Il lui fallut un certain temps pour trouver ce qu’il recherchait mais il revint avec deux courtes branches et des broussailles aux longs filaments qui allaient lui servir à fixer cette attelle improvisée.

Toujours avec des gestes lents, il s’approcha à nouveau du bébé antilope dont il calma les halètements d’une main rassurante. Il redressa le bout de la patte du mieux qu’il put, le petit souffrant et tentant de s’échapper, mais Madani le maintenant fermement.

Rapidement, il plaça les branches de chaque coté de la patte blessée et enroula les filaments autour, serrant assez fort le nœud final. Sous la pression, le bébé poussa un cri aigu. Immédiatement, dans son dos, Madani entendit un roulement de pierres et, avant qu’il n’ait pu faire un seul geste, un coup suivit d’une douleur violente éclatèrent dans sa tête.

Il sombra dans le néant.

Et là, il entendit le vent parler.

(A suivre)

(Photo : James Marvin Phelps)

Commentaires

13 commentaires pour “Les 9 étoiles du désert (24)”
  1. Nathalie says:

    oula! je dois encore attendre jeudi ! je vois pas trop ce qui s’est passé là … un éboulement ?

  2. Nathalie says:

    excellent choix de photo 😉

  3. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Nathalie, fidèle parmi les fidèles ! Ça pourrait être un éboulement mais bon, si je te donne la réponse, où est le plaisir ? 😉

  4. Jean-Pierre says:

    beau suspense. Un djinn l’aurait agressé de manière presque facétieuse (pour un djinn) ?

  5. Jean-Philippe says:

    Ah, Jean-Pierre, ça me fait plaisir de voir un Cloudbraineur ici ! Un djinn au pays des Touaregs ? Tu as de bonnes connaissances car c’est tout à fait possible… 😉

  6. Nathalie says:

    Un djinn ?! ça devient surnaturel … 🙂

  7. Jean-Philippe says:

    Eh oui Nathalie !… mais attention, Jean-Pierre est quelqu’un qui a une excellente imagination. 😉

  8. Nathalie says:

    Je vois ça 🙂 et ça va peut-être donner des idées non ? 😉

  9. Jean-Philippe says:

    Non, tu n’en saura pas plus ! 😉 Jusqu’à jeudi prochain… 🙂

  10. Yann says:

    Merci pour ce récit si envoûtant…

  11. Jean-Philippe says:

    Merci beaucoup Yann d’avoir pris le temps d’écrire ce commentaire. 😉

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